Aïcha, 14 ans, s’est donc défenestrée du foyer familial situé dans une cité de Stains dans le 93. Elle ne supportait pas qu’une vidéo d’elle en situation délicate puisse se répandre sur les réseaux sociaux. Victime de railleries, insultes et moqueries, elle a tenté de se suicider. On imagine la douleur de la famille qui a dû voir Aïcha gisant sur le sol en se tordant de douleur.
Cette histoire n’est pas qu’un fait divers. Elle révèle, à elle seule, une situation d’autant plus inquiétante qu’elle nous échappe. Car l’univers qui a produit cet acte fou mêle toutes les plaies de notre société malade : la puissance aliénante de la gloire, la dictature du paraître, les excès de la drogue, de l’alcool ou des nouvelles tendances, l’omniprésence des réseaux sociaux, l’addiction aux nouvelles formes de plaisir ou l’invasion mentale de la sous-culture du rap abrutissant. Et ce ne sont là que quelques facteurs explicatifs.
A mesure que l’on avance, je crois qu’on remarque une forme de rupture chez « nous ». Nous sommes nombreux à nous préoccuper d’islamophobie, de Palestine ou de voile. C’est évidemment essentiel et indispensable. Pourtant, je crains qu’il n’y ait un décrochage avec cette partie de la jeunesse happée par la société du spectacle. Celle qui ne répond qu’au star-système et qui crée des souffrances comme celle de Aïcha. Des souffrances énormes dont on sous-estime l’ampleur. A bien y réfléchir, c’est assez effrayant. Il nous faut pourtant non seulement voir la réalité en face mais proposer des solutions pour améliorer un scénario qui dans certains endroits ressemble à une descente aux enfers.
Ce soir je pense à Aicha mais aussi à ses parents. A nos parents. Ceux qui ont essayé de nous transmettre des valeurs. Des valeurs qui explosent à mesure que s’effacent les frontières morales d’une culture de la pudeur en désherence. Dure époque. Vraiment dure époque.